Notice biographique parue en 2002 dans le Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, n°38, p.4024-4025.
Géomorphologue
et historien ruraliste (* Strasbourg 13.3.1929). Fils d'Emile Vogt, inspecteur
central des Contributions indirectes, et d'Elisabeth Jung. Jean Vogt a été à la
Direction fédérale des Mines et de la Géologie d'AOF (Afrique occidentale
française), puis au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Il est
également historien du monde rural rhénan.
Après
une formation universitaire classique (licence ès Lettres, mention géographie,
diplôme d'études supérieures en 1951, thèse de 3e cycle en 1963 ), il a réalisé
un parcours aussi dense qu'atypique. Après deux années d'assistanat à
l'Université franco-sarroise (1953-1954) et un bref séjour au CNRS (démission
en 1955), il a rejoint le Service géologique d'AOF, puis, après la disparition
de ce dernier, le BRGM qu'il devait quitter en 1985 dans un contexte de crise
et de désaccord tant sur le fond que sur la forme. « Par refus du
corporatisme et du conformisme », il a renoncé à la fonctionnarisation
offerte par le Ministère de la France d'Outre-Mer ainsi que différentes propositions
universitaires (1959, 1966). Depuis 1985, il poursuit son activité à titre
personnel et bénévole.
Sa
vocation a été éveillée à l'Université de Strasbourg par le professeur Jean
Tricart qui a su lui transmettre à la fois la passion des archives et les
« réflexes de terrain » qui l'ont conduit à pratiquer la
géomorphologie fondamentale et appliquée et à mettre ainsi en lumière
l'imbrication constante des aspects physiques et humains moyennant le recours à
une indispensable interdisciplinarité. Une telle ouverture devait conduire Jean
Vogt à faire le tour du monde au cours de nombreux voyages d'études, de
missions à l'étranger, de colloques ou de recherches dans les dépôts
d'archives, sans qu'il soit toujours possible de faire la part entre l'activité
professionnelle et des recherches personnelles : de la vallée du Rhin aux
Alpes du sud ; de la région de Toulouse à la Bretagne ; des Pays-Bas
à l'Espagne ; de Milan à Damas ; des Etats-Unis, des Guyanes, du
Brésil et du Chili à l'Arabie, au Zaïre, à Madagascar, à la Malaisie, à
l'Australie et surtout à la Nouvelle Calédonie... et la liste n'est pas
exhaustive.
Etroitement
liés à cette mobilité hors du commun, les thèmes abordés, d'une grande variété,
s'organisent autour de quatre axes :
1. En collaborant avec les géologues et les ingénieurs des mines, il a cherché à apporter ses propres éclairages. Ses travaux sur les gîtes d'altération et détritiques ainsi que sur les formations superficielles ont servi à la cartographie géologique et donné lieu à des rapports sur les problèmes du diamant australien ou brésilien, des bauxites africaines, du nickel néo-calédonien, entre autres.
2. En
matière de sismicité et de néotectonique, il a assuré la coordination du Projet
de la carte sismo-tectonique de la France (CEA, EDF, BRGM) dans le contexte du
programme nucléaire français, ce qui l'a conduit à prendre ses distances par
rapport à une « science affirmative » et à combattre le
« catastrophisme taziévien » (du nom d'Haroun Tazieff qui propageait une
« psychose sismique »), enfin à entreprendre une révision de la
« sismicité historique » malgré l'opposition du professeur
Jean-Pierre Rothé. Dans ce domaine, il a multiplié après 1985 les consultations
à titre bénévole et participé à divers arbitrages (URSS, Tunnel sous la Manche,
etc.).
3. Le problème des « risques naturels », du reste élargi à l'étude des tempêtes, devait conduire Jean Vogt, dans une perspective géotechnique, à s'intéresser aux mouvements de terrain, souvent associés d'ailleurs aux séismes, en collaboration avec Michel Humbert. C'est à titre personnel qu'il s'est penché sur l'érosion historique des sols (en Alsace, mais également en Périgord, en Allemagne, etc.). Marginales, ces activités ont alimenté de nombreux articles sans épuiser le dossier. L'ensemble des travaux de Jean Vogt impliquait la fréquentation de multiples bibliothèques et fonds d'archives tant en France qu'à l'étranger (Zurich, La Haye, Harvard, Fidji, pour n'en citer que quelques-uns). Il a donné lieu à de nombreux textes dont beaucoup sont restés inédits.
4.
Sans être historien de profession, il a apporté une contribution essentielle à
l'histoire d'Alsace, Jean Vogt étant considéré comme l'un des meilleurs
ruralistes de l'espace rhénan, avec de multiples travaux sur l'évolution des
cultures et des assolements du Moyen Age à nos jours, sur l'élevage et le
commerce du bétail, sur la tenure et la propriété, sur les conflits sociaux,
révélateurs de processus techniques, d'enjeux économiques et de réflexes
mentaux. Reposant sur des sources, des interprétations et des cheminements
différents, le « désaccord historique » avec Etienne Juillard portait
essentiellement sur l'ancienneté de l'assolement biennal et la nature de la
« révolution agricole » ainsi que sur le rôle de la propriété
bourgeoise dans la campagne alsacienne. Affichant une totale indépendance
d'esprit vis-à-vis des institutions et des écoles, des rituels et des clichés,
Jean Vogt a étayé ses démonstrations par l'analyse fouillée de sources
d'archives, souvent méconnues ou inexplorées, d'une prodigieuse richesse. Son
œuvre, immense quoique très dispersée, a mis l'accent sur la nécessité
d'éclairages nouveaux pour l'histoire rurale dans un contexte élargi dépassant
le microcosme alsacien.
Bibliographie sommaire :
Sélection de travaux portant sur la géomorphologie, la sismologie et l'érosion des sols :
Protection des sols et modes de tenures dans
l'ancienne agriculture, Bull. CTHS, section de géographie, 1957,
p. 118-129 ;
Terrains d'altération et de recouvrement en
zone intertropicale, Bulletin du BRGM, 1966, n° 4, p. 1-49 ;
Die Kartierung der
Quartär-Ablagerungen bzw. der Formations superficielles im Rahmen der
geologischen Landesaufnahme in Nordwest-Deutschland (Niedersachsen) und
Frankreich, Geologisches Jahrbuch, A7, 1973,
p. 1-23 ;
Archives et géologie appliquée. Séismes,
glissements, éboulements, érosion anthropique, La Gazette des Archives, nouvelle
série n° 98, 3e trimestre 1977, p. 131-136 ;
L'apport des archives à la connaissance
géologique du Vaucluse : glissements, éboulements, séismes, Etudes
vauclusiennes, juillet-décembre 1977, p. 1-7 ;
Les tremblements de terre en France (dir.), Mémoire du BRGM, 96,1979 ;
Problèmes majeurs de la cartographie des
formations superficielles et de ses. applications, Bull. de l'Association
française pour l'étude du Quaternaire, 1981/1, p. 5-7 ;
article « Tremblements de terre », EA,
Strasbourg, 1982-1986, t. XII, p. 7419-7420 ;
Notice explicative sur la feuille
Humboldt-Port Bouquet (Jean Vogt et alii), Territoire de la Nouvelle-Calédonie,
BRGM, 1983, 68 p. ;
Révision de deux séismes majeurs de la région
d'Aix-La-Chapelle-Verviers-Liège ressentis en France : 1504, 1692, Tremblements
de terre, histoire et archéologie, IVe Rencontres internationales
d'archéologie et d'histoire d'Antibes, novembre 1983, Actes, 1984,
p. 9-21 ;
Problèmes de sismicité historique :
exemples de faux séismes, de séismes méconnus et de séismes réinterprétés dans
l'ensemble Allemagne / Belgique / Nord-Ouest de la France / sud de la
Grande-Bretagne, Seismic Activity in Western Europe, Liège, novembre
1983, Dordrecht / Boston / Lancaster, éd. D. Reidel, 1984,
p. 205-214 ;
Mouvements de terrain associés aux séismes
dans les Pyrénées, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 55/1,
1984, p. 49-56 ;
Riesame di sismi : richerche in Francia,
Quaderni storici, 60, 1985, p. 743-770 ;
Sismicité historique : ambiguïtés
sismologiques, Seismic Hazard in Mediterranean Regions, Strasbourg,
juillet-août 1986, Dordrecht / Boston / London, Kluwer, 1988, p. 369-382 ;
L'exploitation de gîtes de minerai de fer des
plaines et collines du nord de la Basse-Alsace par les Dietrich, leurs prédécesseurs
et leurs concurrents, RA, 112, 1986, p. 223-254 ;
La laborieuse naissance de l'Association
sismologique internationale : la crise de 1903-1905, Travaux du Comité
français d'histoire de la géologie, troisième série, t. l, séance du
25.11.1987, n° 8, p. 61-64 ;
Quatre décennies de recherches et de
publications sur l'érosion historique des sols. Bilan d'une activité marginale,
Newsletter, European Society of Soil conservation, 1989/3,
p. 9-11 ;
Aspects of historical soil erosion in Western
Europe, The silent countdown, Berlin-Heidelberg, 1990,
p. 83-91 ;
Die Erdbebenfolge vom Mai 1733 im
Rheingebiet, Mainzer Naturw. Archiv, 29,1991, p. 65-69 ;
Some glimpses at historical seismology, Tectonophysics,
193, 1991, p. 1-7 ;
Ouragan et séisme (France de l'Est, Allemagne
et Suisse : 1523 et 1756), Revue géographique de l'Est, 1992/1,
p. 3-10 ;
Coup d'œil à la sismicité historique des trois
Guyanes. Essai de sismologie historique et d'histoire des Sciences, Boletin
de Historia de las Geociencias en Venezuela, 48, 1993, p. 1-4 ;
Coup d'œil à la sismicité historique de la
moyenne vallée de la Durance, Hommage à P. Gabert, Caen,
CNRS, 1993, p. 223-229 ;
Quiproquos à propos de thèmes rhénans en
1776, Historical Investigations of European Earthquakes. Materials of the
CEC Project Review of Historical Seismicity in Europe (dir. P.Albini, A.
Moroni), Milan, 1994, t. II, p. 139-141 ;
Insuffisances flagrantes de la transmission
du savoir en matière de sismologie historique, 118e Congrès du CTHS, Pau, 1993,
Actes, 1996, p. 157-162 ;
Tremblements de terre controversés de
l'Antiquité en Tunisie, Proceedings of the regional Workshop on archaeoseismicity
in the Mediterranean Region, novembre 1992, Actes, 1996,
p. 45-49 ;
The weight of pseudo-objectivity, Annali
di geofisica, XXXIX, 5, octobre 1996, p. 1005-1011 ;
La géographie : lui échapper, en
réchapper, aller de l'avant. Quelques souvenirs ou les joies d'un itinéraire
interdisciplinaire, Géographie(s) et langage(s). Interface,
représentation, interdisciplinarité, Actes du colloque IUKB-IRI, 1997,
Sion, 1999, p. 83-88 ;
Coup d'œil à l'érosion historique des sols en
Périgord, Archistra, 183, 1999, p. 135-141 ;
Sismicité historique du domaine
ottoman : types de sources occidentales et exemples de témoignages, Natural
disasters in the ottoman Empire, Rethymnon, 1999, p. 15-53 ;
Les minières du Nord-Ouest de l'Alsace, Annuaire
de la Société d'histoire de Reichshoffen et environs, juin 2000,
p. 8-13 ;
Sismicité et sismo-tectonique il y a un quart
de siècle : la quadrature du cercle, Archistra, 207, mai 2001,
p. 136-139 ;
L'ouragan destructeur de la mi-janvier 1739, Les
Vosges, 2001/1, p. 13-16 ;
Autour de la sismicité. Souvenirs et propos à
l'emporte pièce, Travaux du Comité français d'histoire de la
géologie, t. XIV, 2001, n° 4, p. 15-27.
Travaux d'histoire
agraire et rhénane concernant l'Alsace et l'espace rhénan :
la bibliographie incomplète proposée par l' Histoire de l'Alsace rurale (dir. J-M. Boehler / D. Lerch / J. Vogt), Strasbourg-Paris, 1983, est à présent dépassée. Y supplée, pour l'essentiel, malgré ses lacunes et quelques erreurs, la Bibliographie alsacienne. Jean Vogt. Histoire agraire rhénane (1952-1999) établie par N. Bisel sous la direction de J.-Y. Mariotte et publiée en coédition, en avril-mai 2000, par l'Université Robert Schuman et les Archives municipales de Strasbourg. Dès à présent une importante collection d'articles de l'auteur a été déposée aux Archives départementales du Bas-Rhin.